Wallace et Gromit : l’histoire d’une IA maléfique qui voulait déconnecter l’Homme de la nature…
- Publié le11 janvier 2025
Wallace et Gromit : La Palme de la vengeance, sorti le 3 janvier sur Netflix.
En mettant en scène la nature domestiquée que représente le jardin, le nouveau film Wallace et Gromit prévient que l’intelligence artificielle (IA) ne doit pas échapper à l’Homme. Au contraire, nous devrions pleinement la prendre en main afin qu’elle coïncide avec nos desseins écologistes.
Wallace et Gromit. La palme de la vengeance, sorti sur Netflix le 3 janvier, n’est pas un simple film sur l’intelligence artificielle. C’est aussi un film qui parle d’écologie par le biais de la place importante qu’il donne au jardin, cet espace qu’on ne sait pas trop catégoriser, entre naturel et artificiel. C’est dans ce lieu que l’IA, incarnée par Norbot le nain de jardin à tout faire, posera des problèmes en introduction qu’elle résoudra en conclusion.
Pimp my backyard
Lorsque Norbot fait sa première apparition, tout sourire, Gromit est dubitatif. Il se méfie des avancées technologiques, lui et ses bonnes vieilles paluches qui n’avaient jamais eu besoin de rien d’autre pour entretenir le jardin. « Tu passes un temps fou à travailler dans ce jardin, mais tout ça c’est du passé ! », lui lance Wallace, enthousiasmé par sa dernière invention. Cette phrase n’a l’air de rien, pourtant elle dit beaucoup. Le temps passé au contact de la nature, les mains dans la terre, est dévalorisé et devrait être de l’ordre du passé. C’est un temps révolu qui doit céder sa place au temps futuriste de l’intelligence artificielle, productif, rapide.
Après que le robot ait analysé le jardin avec son scanner, il s’ensuit un carnage sous les yeux impuissants de Gromit, épouvanté. À grand renfort de cisailles, tracteur-tondeuse, rouleau à gazon et souffleur de feuilles, Norbot métamorphose le jardin, à la manière de l’émission à succès Pimp my ride. Le jardin à l’anglaise fleuri et chaleureux laisse alors sa place à un jardin à la française froid aux arbres taillés au carré. Le pauvre Gromit est traumatisé. Les oreilles qui pendent, il assiste aux félicitations des voisins qui sont ravis. Il ne comprend pas cet engouement autour de ce destructeur écervelé.
Un Norbot qui a mal tourné
Le spectateur derrière son écran doit sûrement compatir avec Gromit, voyant son travail de jardinier dévasté en quelques instants. Pourtant, tous les jours, des pelouses sont tondues de cette manière, au ras des pâquerettes, pour que seule l’herbe courte subsiste. C’est tout à fait ancré dans les normes sociales en France : la pelouse doit être coupée, du moins à une certaine période de l’année – et encore, certains arrivent à le faire l’hiver ! Pour sûr, Norbot taillerait qu’il pleuve ou qu’il vente.
Un robot relativement autonome qui ne sent pas le froid et qui peut faire toutes les tâches imaginables dans un jardin : c’est là un rêve pour nombre de Français qui se reconnaissent bien plus dans les chers voisins de Wallace et Gromit plutôt que dans ce dernier, qui fait office d’exception. Le jardin représente celui qui habite le lieu. Si Norbot n’avait pas mal tourné dans la suite de l’histoire, il aurait sans doute aidé tous les gens du quartier à transformer leur jardin en une fresque immobile pour l’éternité moyennant sa location. Norbot est un robot tondeuse poussé en termes de performance et d’autonomie.
Au fil du film, on représente le jardin de différentes façons. En quelque sorte, il représente l’allégorie de ce qu’on veut faire avec l’intelligence artificielle.
Les trois jardins
A l’origine, Gromit entretient un jardin fleuri foisonnant d’insectes. L’IA n’y a jamais mis les pieds et le jardin représente ainsi une sorte de nature chérie, protégée – mais pas mise sous cloche. Lorsque Norbot arrive, l’IA pénètre dans la nature. Le robot plie cette dernière sous la technologie toute puissante qu’il représente, bras armé de l’Homme. Le jardin en sort défiguré, ou plutôt figuré selon les désirs humains. La pelouse est rase comme l’idéal de la plupart des Français sans aucun doute. Dans ce jardin, la biodiversité est au plus bas.
Toutefois, à la fin du film, les Norbots réintroduisent des fleurs et taillent délicatement les arbres en rond, tout cela supervisé par Wallace et Gromit. Le contraste est saisissant et nous ferait presque penser à un retour à l’origine du jardin, mais il n’en est rien. Avec cette scène, les deux réalisateurs expriment la possibilité d’une entente entre l’humain et l’intelligence artificielle, qui n’est possible que par la volonté humaine : c’est bien Wallace qui presse un bouton tout en surveillant ce que font les Norbots. « Il y a certaines choses qu’une machine ne saura jamais faire », conclut Wallace, assagi. De son côté, Gromit prend tranquillement son petit déjeuner.
Aussi destructrice qu’elle puisse paraître, l’IA n’est que le reflet de notre volonté. Elle peut néanmoins être l’outil qui exploitera encore davantage notre environnement. Automatiser les tâches qui nous relient à la nature nous en déconnecte indubitablement. L’IA n’est pas encore responsable de nos malheurs environnementaux, mais elle pourrait en anesthésier certains.