Un meurtrier fou est-il responsable de ses actes ?

Le meurtirer fou dans le film M le maudit, de Fritz Lang en 1931.

Un meurtrier fou est-il responsable de ses actes ?

Aujourd’hui, 22 février 2023, dans les Pyrénées-Atlantiques, une professeure d’espagnol a été poignardée à mort par un élève de seconde. Ce dernier aurait entendu des voix et a clamé être possédé. Souffre-t-il vraiment de folie ? Les spécialistes nous le diront. En attendant, ce sont les mêmes réactions qui ont fusées dans le débat public. Encore et encore, on voit les mêmes s’indigner, expliquer que la folie n’excuse pas tout sans n’avoir jamais daigné à s’intéresser sérieusement au sujet. Les plus complotistes d’entre eux imaginent même que les médias parlent de fou lorsque le tueur est étranger ou immigré (théorie identique concernant l’exact opposé soit dit en passant) … Tâchons donc de donner un peu de chair à ce débat bien pauvre.

Le problème tient surement des mots qu’on emploie. Nous ne sommes pas médecin et souvent les termes utilisés nous semblent cacher une excuse bien fragile. Un « trouble mental » c’est large, et selon l’institut du cerveau ça concernerait même 1/4 de la population [1]. On retrouve par exemple la dépression, les troubles anxieux, la schizophrénie ou encore les troubles bipolaires. [2]

Et, dès lors qu’un homme fou est possédé par sa folie, on ne peut plus dire qu’il est totalement responsable de ses actes. Le point qui peut tout de même être débattu concerne ce qui se passe en amont ; par exemple si on arrête de prendre ses médicaments et qu’on tue (affaire Jordan) ou qu’on décide de prendre de la drogue (affaire Halimi). Le sujet n’est pas simple et occupe déjà la presse depuis longtemps, dans le bain chaud de actualité. « Chaque année, les tribunaux ne jugent pas moins de 300 dossiers de ce type » rapporte le Nouvel Obs. Néanmoins, chez les médecins il n’y a pas vraiment de débat : quand on perd son discernement, on ne peut pas être pleinement responsable de ses actes [3]. La loi est d’ailleurs assez rigoureuse à ce sujet et ne colle pas un non-lieu à chaque meurtre mêlé à une maladie mentale ou à de la drogue.
"Conclusions possibles au regard de l'interaction entre les faits et l'atteinte du discernement" - Source : Vincent Mahé

Je propose de s’aider du cinéma qui peut apporter quelques exemples concrets. J’en ai deux en mémoire mais ils ne sont évidemment pas les seuls.

Peur primale (1996)

Un homme a tué l’archevêque Rushman, homme puissant de la ville. Au fur et à mesure du film, on apprend que l’accusé souffre d’un dédoublement de la personnalité…mais monté de toutes pièces : en réalité, il n’est pas fou mais fait tout comme afin d’avoir une moindre peine.

M le maudit (1931)

Ce film magistral met en scène un fou tueur d’enfant. Un jour il se fait attraper par les habitants de la ville. Terrifié par ce qu’il a fait, il nous livre un plaidoyer époustouflant sur la responsabilité des fous. Plus encore, il explique qu’il est une victime de sa folie.

Ces films, bien que différents, soulèvent des enjeux cruciaux. Le premier montre l’importance du diagnostic et tout le sérieux qui doit l’accompagner tandis que le deuxième fournit une réflexion plus profonde sur la légitimité même de l’incarcération du meurtrier fou et de sa place en société. L’on pourrait aussi parler d’Orange Mécanique (1972) qui discute entre autres de la psychologisation des criminels et du traitement qu’on leur administre.

Dès lors, comment peut-on sérieusement considérer que le fou a sa place en prison ? Alors même que l’hôpital psychiatrique s’est révélé parfois pire qu’une prison ? S’il est certain que la victime principale reste le tué, il ne faut pas négliger que le fou est aussi une victime. Une victime qui n’est que très peu reconnue comme telle puisque l’on la criminalise.

[1] Maladies psychiatriques et maladies mentales – Institut du Cerveau. (2022, 2 mai). Institut du Cerveau.

[2] World Health Organization (2022). Troubles mentaux. www.who.int.

[3] Mahé, V. (2021). La responsabilité pénale des personnes atteintes de troubles mentaux. Méthodologie de l’expertise psychiatrique. Les Cahiers de la justice, N° 3(3), 399‑415.

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