Sondage : voilà pourquoi on ne te demande jamais ton avis
- Publié le9 octobre 2023
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Sondage : voilà pourquoi on ne te demande jamais ton avis
Le monde des sondages est un monde mystérieux. Il parait presque irréel : comment peut-on savoir ce que pense tout un groupe ? Quand on s’intéresse un peu à la méthode utilisée, on peut être encore plus surpris : la plupart des sondages n’interrogent qu’un millier de personnes pour représenter la France entière, soit 68 millions de personnes… Mais qui donc compose ces groupes de 1 000 personnes ? Sommes-nous floués ?
Avant tout, il faut rappeler le but du sondage : en apprendre plus sur les opinions ou les pratiques d’une population précise. Si la population est une classe d’une trentaine de personne, alors il est aisé de leur faire tous passer un questionnaire ou un entretien. Mais lorsqu’il s’agit de populations plus grandes telles que les habitants de la France, on se rabat vite vers une solution moins onéreuse : le sondage par quota. Représentatif et peu cher, tous les instituts de sondage l’utilisent.
Son principe est simple, reproduire la population ciblée dans un échantillon savamment confectionné via un tas de détails qui nous paraissent déterminants (âge, genre, domicile, métier, etc.). En France métropolitaine, 55% des habitants ont entre 20 à 64 ans et il y a 52% de femmes (données du 1er janvier 2022 selon l’INED). Les enquêtes portant sur la société française devront donc solliciter un échantillon ayant les mêmes caractéristiques démographiques et sociales.
Une fois l’échantillon imaginé, il faut le créer. Les sondeurs pourraient très bien utiliser les bases de données de l’Etat et envoyer un courrier à ceux qui les intéressent. C’est techniquement possible, mais là encore, c’est fastidieux (on peut refuser) et pas forcément permis par la loi.
Auto-administration
C’est pourquoi les instituts de sondage ont mis en place l’auto-administration de sondages. De leur plein gré, des individus remplissent les échantillons créés en amont. Une fois ces panels complets, ils sont mis en route par des instituts de sondage qui les abreuvent de questions parfois très diverses. Le problème, c’est que pour faire partie de ceux qui répondent, il faut savoir que ça marche de cette manière. De plus, pour attirer les répondants, les instituts de sondage les paient. On peut espérer récolter quelques dizaines d’euros en un mois.
Voilà pourquoi vous n’êtes jamais interrogés : tout simplement parce que ce n’est pas la méthode principale utilisée par les instituts de sondage Et ce n’est pas vraiment un problème. La représentativité est sauvée…enfin presque.
Le sondage par quota stipule une confiance dans les caractéristiques déterminantes que l’on a choisies au préalable (âge, genre, etc.). Elles sont la garantie d’une bonne représentation de l’échantillon. Mais les facteurs déterminants sont infinis et seuls les plus importants à nos yeux sont utilisés. Il suffit donc qu’un élément nous échappe pour fausser le résultat final.
Une méthode qui permettrait de supprimer ce risque est celle du sondage aléatoire. Ce dernier compose une population en piochant des noms au hasard parmi la population cible. Et au bout d’un certain nombre de membres ajoutés à l’échantillon aléatoire, on estime que l’échantillon est représentatif ; les variables que notre regard normatif n’a pas perçues sont intégrées à l’équation par le hasard. De la même manière qu’au bout d’un certain nombre de lancers de pile ou face, la probabilité d’obtenir face tend vers 1/2, peu importe le vent, qui lance et la technique de lancer. Le point négatif de cette méthode de sondage est qu’elle nécessite beaucoup de moyens. L’échantillon doit comporter bien plus de mille individus.
Biais
L’auto-administration des sondages crée un biais difficilement évaluable. Tous les répondants aux sondages partagent la particularité de vouloir donner leur avis sur un tas de sujets. Mais qu’en est-il alors des avis de ceux qui ne veulent pas les donner ? De ceux qui ne sont pas au courant qu’ils doivent se manifester ? On peut imaginer que ces deux facteurs soient déterminants pour quelque réponse que ce soit.
Voilà le biais de l’auto-administration. Néanmoins, le sondage reste plutôt fiable dans sa méthodologie et on pourrait plutôt le critiquer en soi : pourquoi pose-t-on cette question ? Les réponses données sont-elles comparables ? N’y-a-t-il pas un risque de prophétie auto réalisatrice ? Autant de questions auxquelles Pierre Bourdieu répond dans son article dédié intitulé “L’opinion publique n’existe pas” que je conseille fortement de lire.